Vous êtes influencé, choisissez comment!

Vous êtes influencé chaque jour, à chaque seconde de votre existence, et c’est très bien ! Être ouvert à l’influence d’autrui vous a permis d’apprendre, de comprendre, d’éviter de réinventer ce que des centaines de générations avant vous avaient conçu et amélioré, et de bénéficier des performances de vos prédécesseurs. Cela vous permet aussi de recevoir de belles émotions, de sentir votre cœur battre plus fort à la vue d’un tableau ou en entendant une musique et ça vous permet même de tomber amoureux. Quelqu’un a dit (je crois que c’est Oscar Wilde, mais on lui prête tant de choses) : « je ne serais jamais tombé amoureux si je n’avais pas lu de romans d’amour ». Ce qui veut dire que si vous n’entendez jamais parler ou que vous ne lisez jamais à propos d’un sentiment, d’une sensation, d’une émotion, vous ne saurez pas qu’ils existent. Et sans doute, si vous vivez assez longtemps avec les esquimaux, sous leur influence, serez-vous capable de discerner 80 nuances de couleur de neige. Pas très utile me direz-vous. Sous nos latitudes non, en effet, mais je soupçonne que dans le grand nord la couleur de la neige soit riche d’informations.

Et observez comme on parle de l’influence d’un artiste sur un autre, d’un penseur sur un autre, d’un scientifique sur un autre. Si on l’évoque, c’est que l’influenceur et l’influencé sont tous les deux importants, et ont apporté quelque chose à leur époque. Une influence peut être la base d’une inspiration, d’une découverte ou d’une évolution majeure. On parle bien sûr aussi de l’influence des idées, les manuels d’histoires en sont riches d’exemples.

 Alors à l’heure où « influenceur » est un métier, qui provoque des sentiments contrastés d’admiration sans bornes (chez les plus jeunes souvent) ou de mépris un peu irrité, il me semble utile de prendre conscience que nous sommes influencés comme nous respirons.
Être dans le déni, se croire à l’abri de l’influence d’autrui, est dommageable parce que cela empêche d’être influencé intentionnellement, de choisir délibérément les sources des influences dont nous sommes l’objet. Puisque nous puisons les bases de nos croyances (dans le sens « chose que nous tenons pour vraies sans qu’elle soit démontrable objectivement »), de nos attachements, de toutes nos pensées, dans les influences que nous recevons, autant choisir ces sources avec attention, et éventuellement en changer ou les diversifier pour éviter les nombreux biais possibles.
C’est vrai plus que jamais alors que les algorithmes nous servent jusqu’à la nausée des informations sur nos sujets préférés - une fois qu’ils les ont repérés - et non seulement sur nos sujets préférés mais aussi sur nos points de vue préférés sur ces sujets. L’influence peut être invisible, indiscernable. Il est très facile de prendre pour un indice de véracité, en toute bonne foi, le fait qu’un moteur de recherche nous serve à répétition le même type d’informations sur un sujet, sans réaliser qu’il ne s’agit que d’un îlot perdu dans l’océan.

Voilà pourquoi il est indispensable de savoir que l’on est influencé et de régulièrement remettre en question l’origine de nos influences les plus importantes. Parce qu’être influencé est la force de l’Homme, mais aussi son talon d’Achille.